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24.12.11 «Nous sommes plus que déçus par l'attitude de l'UE»

Qualifié de «dernier dictateur d'Europe» par les médias occidentaux, le président biélorusse Loukachenko s'est présenté pour la quatrième fois à l'élection du 19 décembre, et a gagné avec presque 80% du suffrage.

 

À la tête d'un pays de 10 millions d'habitants, par lequel transitent 20 % du gaz russe vers l'Europe, Alexandre Loukachenko entretient des relations difficiles avec Moscou et Bruxelles. Le président biélorusse, dont le style tranche avec les dirigeants politiques ordinaires, n'avait pas accordé d'entretien à la presse française depuis cinq ans.
 

LE FIGARO. - Certains de vos opposants assimilent la prochaine présidentielle à une «illusion démocratique». Que leur répondez-vous ?

Alexandre LOUKACHENKO. - Je n'ai rien à leur dire. Si la campagne présidentielle est pour eux une illusion, ils ont le droit de ne pas participer à cette illusion. Mais s'ils sont de véritables hommes politiques, ils doivent prendre leurs responsabilités et lutter pour occuper le poste. Il semble qu'ils ne soient pas prêts à mener campagne. La haine qui émane de certains d'entre eux ne fera que dissuader les électeurs de voter en leur faveur. Il faut aller aux élections en proposant le bien au peuple. Il y a suffisamment de problèmes dans notre vie pour ne pas déverser toute cette haine par l'intermédiaire de la télévision. Cela ne correspond pas à la voie biélorusse.

Comment définir la voie biélorusse ? Il y a trois ans, vous aviez entamé un rapprochement avec l'UE, mais depuis vos liens avec Bruxelles se sont détériorés. Pourquoi ?

Posez la question à l'Union européenne, pas à nous. Nous faisons tout pour avoir des relations normales avec nos voisins. Nous sommes de bons élèves, disposés à apprendre de vous tout ce qui correspond à nos intérêts et ne crée pas de problèmes. Mais la politique de l'UE - qui consiste à nous mettre sans arrêt sous tension, à nous imposer des conditions, nous pousser à commettre des actions auxquelles nous ne sommes pas prêts - ne rencontrera jamais notre assentiment. Nous sommes un État souverain et indépendant, et nous devons garantir ces valeurs. D'ailleurs, l'Occident le comprend très bien.

Pourquoi ne pas instaurer un moratoire sur la peine de mort, comme l'Europe le réclame ?

La question de la peine de mort a été tranchée lors d'un référendum, et 80 % des votants étaient hostiles à son abolition. Or, le référendum est le degré culminant du pouvoir en Biélorussie. Si je prenais moi-même une décision contraire, je violerais la Constitution. Vous me qualifiez de dictateur et vous voulez me pousser à la dictature ?

Bruxelles vous reproche de ne pas respecter les standards démocratiques et a imposé des sanctions à l'égard de votre régime. Comment remédier à cette situation ?

Nous n'y pouvons rien. L'Europe elle-même juge ces sanctions contre-productives, ce qui ne l'empêche pas de les appliquer. En fait, je pense que l'UE a besoin de temps pour résoudre ce dilemme et pouvoir garder la face. Nous sommes plus que déçus par son attitude. Si les Vingt-Sept souhaitent d'abord connaître l'issue de l'élection présidentielle, nous attendrons. Simplement, je veux que l'Europe sache que si Loukachenko est élu, il le sera par le peuple. Elle ne doit pas croire l'opposition lorsque celle-ci lui affirme que je me suis emparé du pouvoir et que je ne le rendrai à personne.

Une intégration de la Biélorussie à l'UE est donc irréaliste ?

Dans notre vie il n'y a rien d'irréel, mais ce problème n'est même pas étudié. Il n'y a aucune raison objective pour cela. Vous-mêmes êtes trop préoccupés par vos problèmes financiers. Hier, c'était la Grèce, aujourd'hui l'Irlande, demain ce sera le Portugal, l'Espagne et même l'Italie. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas nouer une coopération intense et mutuellement avantageuse. Alors que la Biélorussie figure au centre de l'Europe, nous ne sommes pas sa priorité et c'est une grave erreur.

Vous regrettez l'absence de liens plus étroits avec Paris ?

Bien sûr que nous aimerions développer nos relations avec la République française et nous allons le faire. Mais je veux souligner une fois de plus que cela dépend de vous. La France ne fait rien dans cette direction. Je crains d'ailleurs que Nicolas Sarkozy ne connaisse pas l'existence de la Biélorussie.

Peut-être les investisseurs se méfient-ils de votre économie, qui semble trop administrée ?

Mais celle-ci ressemble beaucoup à l'économie française ! Autant que je sache, votre pays n'a toujours pas renoncé à administrer un large éventail de secteurs. Le monde occidental lui-même est dirigiste, bien qu'il utilise des méthodes différentes. Quand la crise financière a éclaté, la France et l'Allemagne ont renforcé la tutelle sur les banques. C'est vous qui, dans les faits, avez appliqué notre système de gestion économique. Pourquoi vous pourriez, et pas nous ? D'ailleurs, n'exagérons rien. Les investisseurs bénéficient ici d'avantages fiscaux, d'une stabilité absolue et d'un marché large grâce aux perspectives d'un Espace économique uni entre la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan.

Ces derniers temps, vos concitoyens, qui craignent une dévaluation du rouble biélorusse après l'élection, se précipitent dans les banques pour acheter des dollars. N'est-ce pas un signe de perte de confiance dans l'économie nationale ?

Ce phénomène conjoncturel ne nous inquiète pas. Cet argent est déposé jusqu'au dernier cent dans des banques biélorusses qui peuvent s'en servir comme devise étrangère. Ce que vous décrivez appartient au passé. Il y a un mois, on faisait peur aux gens en agitant cette menace de dévaluation. J'ai expliqué que ce n'était pas bien pour le peuple et je l'ai mis en garde : attention, le dollar aussi sera dévalué, les billets verts que vous achetez maintenant, vous les perdrez plus tard ! Nous n'avons aucune nécessité de procéder à une dévaluation. C'est également l'opinion du FMI.

Vous avez évoqué l'Union douanière avec la Russie. Mais vos relations avec Moscou se sont également dégradées…

Elles sont restées telles qu'elles ont toujours été…

Vous pensez que le Kremlin aide une partie de l'opposition biélorusse ?

C'est ainsi et nous le savons. Exemples, Andreï Sannikov et Vladimir Neklaïev (candidats à l'élection, NDLR) sont financés par la Russie.

Quel objectif poursuit la Russie ?

Vous devez bien savoir que Moscou aimerait inclure la Biélorussie dans le cadre de la Fédération russe. Mais je ne pense pas que ce soit une obsession pour la direction russe. Celle-ci a également des buts militaires, politiques, stratégiques dans notre pays. Mais ce faisant, elle commet la même erreur que l'UE. Il faut prendre en considération l'existence de l'État et du peuple biélorusses. Le rôle sacré du président est de protéger ces intérêts.

En construisant son gazoduc Nord Stream, la Russie risque de vous court-circuiter comme pays de transit dans les livraisons de gaz vers l'Europe…

Cela ne nous créera aucun problème. Vous devez savoir que nous transportons également du pétrole vénézuélien via l'Ukraine. Nous utiliserons des tuyaux dont la Russie n'a plus besoin pour transporter du gaz livré par d'autres fournisseurs. Aujourd'hui, Moscou nous propose du gaz naturel à 200 dollars les mille mètres cubes alors que la France achète le sien au Qatar et à la Norvège pour 150-160 dollars. Pourquoi ne pourrions-nous pas bénéficier des mêmes prix ? Après tout, il y a suffisamment de fournisseurs pour cela.

Acheter du pétrole au Venezuela, ce n'est pas une voie un peu compliquée ?

Nous allons là où l'on nous ouvre la porte. Qu'y a-t-il de répréhensible au fait que le Venezuela nous fournisse plus de 10 millions de tonnes de pétrole par an ? Nous avons conclu avec Caracas un contrat de trois ans, ce qui offre une alternative à la Russie.

Du coup, pourrez-vous faire face à une prochaine guerre du gaz avec Moscou ?

Nous ne nous préparons pas à la guerre. Il vaut mieux poser la question à celui qui utilise le gaz comme une arme. Personnellement, nous n'en avons pas et nous devons nous fournir auprès d'un voisin dont vous connaissez parfaitement l'identité…

S'agit-il de la Russie ?

(Alexandre Loukachenko hoche la tête.)

Si vous êtes élu, pensez-vous nouer un contact avec l'opposition ?

Aujourd'hui, je suis le président du pays, je représente tout le peuple. Si un citoyen, un groupe de citoyens ou un parti souhaitent coopérer avec le pouvoir actuel et le président, s'ils sont prêts à agir dans le cadre de la politique actuellement menée en Biélorussie, ils sont les bienvenus. À condition que ce soit dans le but d'améliorer la vie des gens. Le problème de l'opposition est qu'elle pratique la politique du pire. Plus la situation se dégrade pour le peuple, plus elle est contente. Je n'ai pas l'intention de coopérer sur ces bases.

Voilà dix-sept ans que vous êtes au pouvoir. Vous sentez-vous dans la peau d'un président à vie ?

Je n'ai jamais pensé à cela et je ne sais pas combien de temps je vivrai. Mais si la législation du pays le permet, si l'homme est en bonne santé et le peuple est pour, c'est tout à fait possible. Ce qui compte c'est l'envie de mon peuple.


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